L’Assemblée nationale a adopté en 1ère lecture, le 15 juin, la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels qui contient une série de mesures destinée à améliorer l’accès aux soins.
Le constat est sans appel :
- Le manque de médecins touche 85 % du territoire, résultat d’une longue fragilisation du système de santé et d’aspirations professionnelles des nouvelles générations jusqu’à présent mal anticipées.
- 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux
- 11 % des Français de 17 ans et plus n’ont pas de médecin traitant
- 45 % des médecins généralistes seraient en situation de burn-out.
Le texte proposé par le député Frédéric VALLETOUX envisage d’améliorer l’organisation du système de santé à l’échelle territoriale. Chaque territoire dispose de ses particularités, l’idée étant de proposer des solutions sur-mesure en responsabilisant les professionnels de santé et en mettant à contribution toutes les forces sanitaires en présence :
- Renforcer les conseils territoriaux de santé pour en faire de véritables « agoras sanitaires » où les professionnels de santé locaux devront s’organiser afin de proposer une offre de soins à la hauteur de la demande. Il est important de souligner que cette instance existe déjà (pas d’alourdissement administratif) ;
- Si et seulement si les objectifs en matière d’offre de soins ne sont pas atteints, l’agence régionale de santé (ARS) pourra déployer des mesures organisationnelles (mobilisation des professionnels dans le cadre de la permanence des soins, consultations avancées, …) ou des outils incitatifs (et exclusivement incitatifs) à l’installation à l’échelle du territoire.
- Rendre automatique (et pas obligatoire !) le rattachement des professionnels de santé aux communautés professionnels territoriales de santé (CPTS – groupement de professionnels coopérant à l’échelle d’un territoire) afin d’inciter à une coopération active à l’échelle locale. Les professionnels peuvent librement les quitter s’ils ne sont pas satisfaits ;
- Associer davantage les professionnels de santé exerçant en établissement de santé (public et privé) à la permanence des soins. Cette disposition complète celle adoptée lors de la loi Rist 2, qui visait les professionnels de ville. Tout le monde doit contribuer à offrir les soins dont les Français ont besoin ;
- Inciter les jeunes médecins à s’installer là où l’on a le plus besoin d’eux, en développant les contrats d’engagement de service public (CESP) : plus d’étudiants et plus de spécialités médicales auront accès à ces dispositifs qui leur permet de bénéficier d’une rémunération supplémentaire
- Faciliter l’exercice des médecins étrangers résidant en France en fluidifiant les procédures de traitement de leurs dossiers et attirer les médecins ne résidant pas encore en France avec un titre de séjour spécifique pour les talents de la médecine et de la pharmacie.
Plusieurs amendements ont été proposés pour réguler l’installation des médecins. Or tant que la suppression du numerus clausus n’aura pas produit ses effets (d’ici 2030), toute proposition reposant sur l’idée que tout le territoire peut être pourvu en médecins serait totalement inopérante.
Autre idée inopérante (bien que séduisante en théorie) : si un médecin veut s’installer dans une zone sous-dense (« désert médical »), l’autorisation est délivrée de manière automatique ; tandis que s’il veut s’installer hors de ces zones, l’autorisation ne sera délivrée qu’à condition qu’un médecin déjà installé cesse son activité. Pourquoi c’est une fausse bonne idée ? S’il existe bien bien des zones sous-denses, les zones sur-denses n’existent quasiment pas en France – la pénurie de médecins touchant plus de 85% du territoire. A ce jour, le nombre de médecins disponibles n’est pas suffisant pour couvrir l’ensemble des besoins à l’échelle nationale, ce qui signifie que le « fléchage coercitif » sera inopérant en pratique.
Autre proposition inopérante : le fait de conditionner l’installation d’un médecin à la cessation d’activité d’un autre médecin déjà installé. Cela entraînera une diminution du nombre de médecin en exercice (déjà trop faible), car les jeunes médecins solliciteront simplement les plus anciens afin de les inciter à partir à la retraite pour pouvoir s’installer à leur place (finalement, il y aura un seul médecin sur le territoire au lieu de deux). Or, de nombreux praticiens libéraux sont aujourd’hui en situation de cumul emploi/retraite, ce qui permet de soulager le système hospitalier.
Ce que nous avons proposé dans le cadre de la proposition de loi de Frédéric Valletoux :
- Des mesures en faveur des internes
– En proposant une priorité dans l’attribution des places en crèche pour les enfants d’internes et ainsi préserver leur vie de famille ;
– En proposant de créer des unités de soins dédiée à la prévention et au suivi médical et psychique des internes, car leurs conditions de travail impactent profondément leur santé physique et mentale (75 % des étudiants en médecine et des internes montrent des symptômes d’anxiété pathologique et 39 % des symptômes de dépression)
– En facilitant la saisine de la juridiction disciplinaire des personnels enseignants hospitaliers (JDHU) afin que les cas de harcèlement en établissement soient plus rapidement et efficacement traités
- Des mesures en faveur des professionnels
– En proposant que les conjoints de professionnels de santé souhaitant s’installer en zone sous-dense puissent plus facilement les suivre, de telle sorte que leur vie de famille soit préservée;
– En préparant la future réforme des métiers infirmiers annoncée par le Gouvernement afin de rendre plus attractif et plus gratifiant l’engagement indispensable de ces professionnels;
– En consacrant la possibilité pour les médecins coordonnateurs en EHPAD de devenir les médecins traitants des résidents;
– En permettant aux praticiens étrangers d’effectuer leurs stages de validation de compétences au sein des établissements de santé publics, mais également privés à but non-lucratifs et privé ayant statut d’entreprise à mission.
- Des mesures en faveur des patients
– En soutenant la création d’un statut d’infirmier référent, qui viendra renforcer l’équipe de soins autour des patients atteints d’affection de longue durée, qui manifestent des besoins spécifiques et réguliers ;
– En renforçant les dispositifs d’accompagnement en santé et en prévention des étudiants, parfois dysfonctionnels en raison de difficultés d’organisation.
Nous avons également soutenu des mesures en faveur de :
– L’encadrement du cumul des aides à l’installation dans le temps, afin d’éviter les abus;
– La mise en place d’un préavis indicatif pour les médecins souhaitant quitter un territoire;
– L’élargissement du rôle des guichets uniques départementaux chargés d’accompagner des médecins;
– La hiérarchisation des critères permettant d’ouvrir des places en études de médecine : priorité aux besoins des territoires !
La proposition de loi va désormais être examiné par le Sénat.