Depuis la fin janvier, d’abord en commission spéciale puis en séance publique depuis le 17 février, l’Assemblée nationale a examiné les projets de loi (projet de loi organique et projet de loi simple) instituant un système universel de retraites. Après 118 heures de débat en séance publique, l’Assemblée nationale est arrivée, le 29 février, à l’examen de l’article 8 d’un projet de loi ordinaire qui en comporte 65. Plus de 29 000 amendements restaient à examiner.
La responsabilité du gouvernement va engagée sur un texte enrichi par les avancées négociée par les partenaires sociaux sur les questions de pénibilité, d’emploi des seniors et des transitions, mais aussi amélioré par le travail des parlementaires sur des sujets essentiels et de nouveaux droits pour les femmes, les jeunes ou les handicapés.

Quelques chiffres :
Lors de la levée de séance samedi 29 février à 13h :  

  • Durée totale d’examen du texte : 115 h 09
  • Nombre d’amendements déposés : 41 888
  • Nombre d’amendements en discussion : 35 455
  • Nombre d’amendements examinés : 5 951
  • Rythme d’examen des amendements : 54,4 / heure
  • Nombre d’amendements restants : 29 504
  • Nombre de sous-amendements déposés depuis le début de la discussion : 815

Dont :

  • LaREM 4
  • LR 129
  • MODEM 2
  • SOC 36
  • UDI-Agir 1
  • LT 2
  • FI 291
  • Communistes 350
  • NI 3

Les groupes Communistes et LFI ont disposé de 45% du temps de parole durant l’examen du texte.

Force est de constater que la discussion sur le fond n’a jamais vraiment pu avoir lieur, ou alors de manière parcellaire et souvent décousue. C’est tout à fait regrettable.

« Ce débat aurait dû nous permettre de répondre aux questions parfaitement légitimes et très précises que des oppositions ont soulevées, des oppositions qui, parce qu’elles ont respecté la démocratie en choisissant de déposer des amendements qui portent sur le fond, ont été, in fine, privées du débat auquel elles avaient droit. Toutes les contestations doivent évidemment s’exprimer, mais il me paraît qu’elles doivent le faire dans le respect des institutions et des pratiques du débat républicain.

Voilà ce à quoi aurait dû ressembler ce débat. Rien à voir avec les dizaines de milliers d’amendements qui, pour l’essentiel, n’avaient pas d’autre but que de bloquer l’examen du texte. Rien à voir avec les incidents de séance à répétition orchestrés pour donner l’illusion de l’action et du débat quand l’effet recherché était la paralysie. Je ne m’étendrai pas sur l’image particulièrement triste de nos institutions que renvoient les événements de ces derniers jours. Toutes les oppositions sont légitimes, bien sûr. Toutes les contestations doivent évidemment s’exprimer, mais il me paraît qu’elles doivent le faire dans le respect des institutions et des pratiques du débat républicain.

Je n’ai pas le sentiment que c’est ce à quoi nous avons assisté soit ce que les Français, favorables ou non au projet de loi d’ailleurs, attendent de leurs représentants. Je n’ai pas non plus le sentiment que notre démocratie puisse se payer le luxe d’un tel spectacle. Que notre pays puisse, au regard des défis qu’il traverse, gaspiller l’énergie de ses représentants dans un tel exercice, énergie considérable dévouée au bien public et que je veux saluer sur tous les bancs de cet hémicycle. C’est un bien dangereux et bien mauvais service que cette obstruction a pu lui rendre.

C’est la raison pour laquelle, conformément à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de 1958 et après en avoir obtenu l’autorisation du Conseil des ministres du 29 février, j’ai décidé d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi instituant un système universel de retraite. Non pour mettre fin au débat mais pour mettre fin à cet épisode de non-débat, à un Parlement privé de sa fonction éminente de faire la loi et pour permettre à la suite du processus législatif de s’engager.

Nous le savons bien, Mesdames et Messieurs les députés, le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a, bien souvent, été utilisé par des Gouvernements obligés de faire face à l’hostilité de leur majorité sur un texte de loi ou sur une ligne politique. C’est arrivé. Cela n’est pas le cas aujourd’hui.
Cette majorité, dont la diversité est une chance, s’est engagée, lors des élections législatives de 2017, à créer un système universel de retraite. Une des réformes les plus ambitieuses et les plus complexes, c’est vrai, de ces dernières années.

Je fais confiance au dialogue social. J’ai dit aussi à plusieurs reprises que je saurai prendre mes responsabilités si cela s’avère nécessaire. Un texte amélioré et enrichi aussi, évidemment, grâce au travail parlementaire qui permet de consolider d’autres mesures de justice sociale pour les personnes handicapées, pour les femmes, pour les jeunes. Je pense à la consolidation des pensions de réversion. Je pense à des droits familiaux encore plus protecteurs pour les femmes. Je pense à la retraite progressive à 55 ans pour les personnes en situation de handicap. Un texte qui évolue enfin pour traduire l’engagement pris par le Gouvernement de transformer des habilitations en articles rédigés en dur, comme on dit parfois. Près de sept articles d’habilitation sont transformés par des dispositions législatives d’application directe. » (Extrait du Discours du Premier Ministre Edouard Philippe, devant l’Assemblée nationale samedi 29 février 2020).

Voici les principaux amendements retenus, qui ont permis d’enrichir la version du projet de loi qui sera examiné par le Sénat dans les prochaines semaines. Ces avancées sont regroupées de manière thématique.

Principes du système universel

  • Solidarité aux aidants familiaux ;
  • Handicap comme motif de départ anticipé ;
  • Objectif de confiance des jeunes générations dans le système de retraite ;
  • Caractère solidaire des contributions ;
  • Prise en compte des gains de productivité du système ;
  • Niveau de vie digne des retraités

Aménagement des fins de carrière

  • Ouverture de la retraite progressive abaissée de 62 à 60 ans dans le système universel ;
  • Ouverture de la retraite progressive aux fonctionnaires à 60 ans dès 2022 ;
  • Durcissements des conditions de refus de la retraite progressive par l’employeur ;
  • Cumul emploi retraite créateur de droits nouveaux dès 2022 ;
  • Réduction du délai de carence pour le cumul emploi retraite à 3 mois ;
  • Création d’un nouveau dispositif d’épargne temps pour permettre aux agents publics en fin de carrière d’aménager leur temps de travail ;
  • Dispositif d’accompagnement pour le cumul emploi-retraite et la retraite progressive ;
  • Information sur les possibilités d’aménagement de fin de carrière dans le cadre des entretiens professionnels ;
  • Prise en compte du vieillissement au travail comme un volet obligatoire de négociation triennale de branche sur les conditions de travail ;
  • Dispositif d’aménagement des fins de carrière à l’hôpital;
  • Rapport sur l’emploi des seniors ;

Pénibilité

  • Mise en place du suivi de l’exposition individuelle à la pénibilité dans la fonction publique dès 2022 (critères du C2P) ;
  • Détermination des métiers pénibles par accord de branche;
  • Renforcement de la prévention de la pénibilité, par des mesures financées par la branche ATMP (accidents du travail – maladie professionnelles) de la sécurité sociale ;
  • Création d’un Fonds national de prévention de la pénibilité pour la fonction publique hospitalière ;
  • Création d’un congé de formation-reconversion pour les personnes ayant eu une carrière pénible ;
  • Visite médicale obligatoire à 55 ans pour les personnes exerçant un métier pénible afin de repérer les personnes pouvant partir à la retraite à 60 ans à taux plein (métiers pénibles tel qu’identifiés par la branche, avec le cas échéant, une orientation vers le dispositif d’incapacité permanente) ;
  • Amélioration de la prise en compte de la pénibilité pour les salariés exposés à plusieurs risques (polyexposition) ;
  • Rapport sur les modalités de réparation des métiers identifiés comme pénibles par les branches ; 

Transition

  • Transition prenant en compte la vraie fin de carrière (transition « à l’italienne ») ;
  • Transition aménagée pour les catégories actives : celles et ceux (notamment les aides-soignants) ayant moins de 17 années de service en 2025 auront un âge de départ anticipé proratisé ;
  • Les infirmiers ayant fait le choix de rester en catégorie B gardent leur catégorie active ;
  • Départ anticipé à cinquante-deux ans pour les égoutiers recrutés avant le 1er janvier 2022 ;

Amélioration de la pension des femmes

  • Sur les 5% de majoration de pension accordés pour chaque enfant, 2,5% sont attribués d’office à la mère au titre de la maternité. Les 2,5% restants peuvent être partagés entre les parents (mais restent à défaut attribués à la mère) ;
  • Mise en place d’un plancher minimum pour la mère, modulable en fonction du nombre d’enfants (sur les 2,5% par enfant au titre de la maternité);
  • Majoration des droits familiaux pour les parents isolés ;
  • Dispositif de réversion pour les conjoints divorcés ;
  • Points pour les aidants : élargissement du champ des bénéficiaires ;
  • Suppression de la réversion en cas de condamnation pénale pour violence conjugale ;
  • Amélioration de la prise en compte des droits à retraite des divorcés par la prestation compensatoire ;
  • Possibilité de rouvrir le partage en cas d’adoption intraconjugale (notamment pour les mères sociales) ;
  • Transmission d’un rapport annuel du Comité d’experts relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de retraite, au Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale ;
  • Rapport sur l’ouverture de la réversion aux couples pacsés ;

Handicap

  • Ouverture de la retraite progressive à 55 ans ;
  • Majoration des droits familiaux au titre des enfants en situation de handicap ;
  • Disposition pour faciliter la justification de son handicap ;

Jeunes

  • Diverses dispositions sur le rachat de points au titre des périodes de stage ;

Indépendants

  • Réduction de l’assiette sociale par un abattement de 30%, inscrit en dur dans la loi ;
  • Dispositif de solidarité pour les avocats ;
  • Affectation à la CNBF (caisse des avocats) des droits de plaidoirie et à la CRPCEN (caisse des notaires) de la taxe de 4% sur les émoluments des notaires ;
  • Transition allongée sur 20 ans ;
  • Limitation à 5 ans du statut de conjoint collaborateur du chef d’une exploitation agricole ;
  • Interdiction de reprendre une activité agricole assujettie sur la base du foncier, dans le but de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs ;

Fonctions régaliennes

  • Saisine obligatoire du Conseil supérieur de la fonction militaire sur les textes relatifs aux militaires ;
  • Cumul-emploi retraite déplafonné à partir de 62 pour les fonctionnaires régaliens, afin d’encourager la reconversion professionnelle ;
  • Maintien des droits à départ anticipé pour les fonctionnaires devenus inaptes aux fonctions régaliennes ;

Gestion

  • Garantie d’un droit à l’information de l’assuré, notamment via le compte personnel de carrière ;
  • Révision de la pension rendue possible jusqu’à 3 ans après la liquidation ;

Pilotage – Gouvernance

  • Les caisses et institutions gestionnaires des régimes de retraite obligatoires conservent la propriété de leurs réserves ;
  • Rôle d’investisseur socialement responsable du Fonds de réserve universel (FRU) ;
  • Déclaration d’intérêts et de patrimoine rendue obligatoire pour les membres du directoire du Fonds de réserve universel ;
  • Maintien de la personnalité morale des caisses locales ;
  • Avis du conseil d’administration sur la nomination du DG de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) ;
  • Avis du conseil d’administration sur le schéma de transformation ;
  • Participation du président du conseil d’administration de la CNRU aux délibérations du conseil de surveillance, et vice-versa ;
  • Parité du conseil d’administration de la CNRU ;
  • Nomination d’un membre du Comité d’experts par le conseil d’administration à la place d’un magistrat de la Cour des comptes ;
  • Détermination des évolutions d’espérance de vie par l’INSEE ;
  • Rapport sur l’impact de la réforme sur les finances locales ;

Autre

  • Suppression de l’article 65 (ordonnances PACTE) ;
  • Création d’un comité de suivi, de coordination et de négociation associant les acteurs ultramarins, dans le cadre de l’élaboration des ordonnances relatives aux collectivités d’Outre-mer ;
  • Rapport sur l’attribution de points aux détenus ;

Transformation en dur de plusieurs habilitations

  • Article 16 (prise en charge par l’Etat des cotisations des artistes-auteurs) ;
  • Article 18 (transition pour la fonction publique) ;
  • Article 38 (transition catégories actives) ;
  • Article 46 (réversion des ex conjoints divorcés)
  • Article 52 (délégation de gestion à l’IRCEC) ;
  • Article 53 (établissement de retraite de la FPE) ;
  • Article 61 (garantie des droits)