25 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés en moyenne chaque année en France, entraînant d’importantes conséquences écologiques et socio-économiques. En effet, l‘artificialisation des sols porte gravement atteinte à la biodiversité, au potentiel de production agricole et de stockage de carbone, et augmente les risques naturels par ruissellement.

3,5 millions d’hectares sont artificialisés en France. Ramené à la population, c’est 15% de plus qu’en Allemagne et 57% de plus qu’au Royaume-Uni ou en Espagne. 5 % des communes sont par ailleurs responsables de 39,7 % de la consommation d’espaces.

Face à ce constat, la loi Climat et Résilience a donc défini un objectif essentiel et ambitieux, conformément aux ambitions européennes et dans le prolongement de la stratégie nationale de la biodiversité, celui d’atteindre le « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) d’ici 2050.

L’objectif est fixé à 2050 et non pas à demain : il s’agit en effet de réussir progressivement la trajectoire de réduction du rythme d’artificialisation des sols sur les trente prochaines années.

Le Gouvernement est par ailleurs extrêmement attaché au respect des prérogatives de chacun, notamment des élus locaux. C’est précisément pour cela que nous avons soutenu la mise en place d’un système adapté dans le cadre de la loi Climat et Résilience, fondé sur les compétences des différents niveaux de collectivités et des documents de planification existants.

Pour les dix prochaines années, la loi fixe l’objectif intermédiaire de division par deux du rythme de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Cette première étape s’appuie sur la notion préexistante de consommation d’espaces, bien connue et appropriée par les élus locaux comme les acteurs du secteur depuis plusieurs années.

L’objectif ZAN s’appréciera à l’échelle des documents de planification et d’urbanisme et non à l’échelle de chaque projet. Il sera traduit dans les documents régionaux et locaux, selon une méthode déjà mise en œuvre depuis une dizaine d’années, à savoir celle des « bilans de consommation effective d’espaces ».

La territorialisation des objectifs est indispensable, pour adapter l’effort de réduction du rythme de la consommation d’espaces et de l’artificialisation des sols aux réalités des territoires. Elle prendra notamment en compte les besoins du territoire, les efforts de sobriété foncière déjà réalisés et le foncier déjà artificialisé disponible. Ainsi, elle ne consiste pas en une réduction uniforme de l’artificialisation par rapport à l’artificialisation passée mais, dans un premier temps, à une répartition de l’objectif régional entre les différents bassins de vie.

Concrètement, en plus de la construction dense sur les friches et les terrains déjà artificialisés, il reste 140 000 ha mobilisables dans les 10 prochaines années sur le territoire national. Cela revient en moyenne à 14 000 ha par an, en plus de l’existant, pour construire des logements, des locaux d’activité et des équipements.

Les bilans annuels des dernières années montrent que les surfaces consommées ont commencé à diminuer sur les 10 dernières années. La loi et sa mise en œuvre vont permettre de poursuivre et d’amplifier cette tendance.

Dans le prolongement des principes et du cadre fixé par le Législateur, trois premiers projets de décrets ont été rédigés et portent respectivement sur :

  • la nomenclature des surfaces artificialisées et non artificialisées pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme ;
  • les objectifs et les règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ;
  • le rapport local de suivi de l’artificialisation des sols.

Ces décrets garantissent l’effectivité de cette réforme. La critique portant sur le souhait du Gouvernement de voir les décrets d’application être publiés rapidement semble donc assez paradoxale au regard de la nécessaire mise en application des lois votées. Traditionnellement, il est en effet demandé au Gouvernement de publier les décrets dans les six mois de la publication de la loi.

L’élaboration des décrets d’application de la loi se fait en collaboration avec les collectivités territoriales

La concertation autour des mesures législatives et réglementaires sur la politique de lutte contre l’artificialisation des sols a débuté dès 2019, en particulier dans le cadre des échanges du groupe de travail « sobriété foncière », qui s’est réuni à neuf reprises entre 2019 et 2021.

Depuis la promulgation de la loi Climat & Résilience, de nombreuses consultations ont réuni les associations nationales d’élus (AMRF, AMF, APVF, ANEM, ANEL, ANETT, AdCf, France urbaine, Fédération des SCOT, Régions de France, FNAU). Pas moins de neuf réunions de travail sur les projets de décret ont été organisées entre le 17 novembre 2021 et le 22 février 2022.

Toutes les parties prenantes ont donc été pleinement associées dans le cadre du groupe de travail « sobriété foncière », de même que les Rapporteurs de chacune des chambres (Sénat, Assemblée nationale) sur ce volet du texte.

Ces projets de décrets ont été présentés et examinés lors de trois séances du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), et des modifications y ont été intégrées pour tenir compte des réunions qui se sont tenues entre ces séances avec les associations nationales d’élus locaux. Les textes réglementaires traduisent donc un équilibre entre les positions des différentes parties prenantes sollicitées, tout en garantissant l’effectivité des mesures votées par le Parlement.

Par ailleurs, l’ensemble des textes réglementaires sont soumis à une consultation publique pendant laquelle des observations et propositions peuvent être encore émises. Ils feront également l’objet d’un examen et d’un avis du Conseil d’Etat. Celui-ci ne manquera pas de veiller au respect des dispositions législatives et de l’intention du législateur, et le cas échéant, de signaler au Gouvernement toute éventuelle contradiction entre les projets de décrets et les termes de la loi.

Pour l’avenir, en complément de la concertation organisée dans le cadre classique d’élaboration des documents de planification régionaux, la loi dispose que la conférence des SCoT peut formuler des propositions au Conseil régional pour l’évolution des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Ces deux canaux assurent la remontée des besoins du terrain et le dialogue entre les différents niveaux de collectivités.

Afin d’assurer une remontée effective des propositions des territoires, le Premier ministre a demandé aux Préfets par circulaire en date du 7 janvier 2022 de veiller à la bonne information des élus locaux sur les dispositions de la loi et de les accompagner à leur demande dans leur réflexion sur leurs besoins en consommation d’espace.

À la demande des collectivités locales, un amendement, porté par le Gouvernement et la majorité présidentielle, dans le projet de loi dit « 3DS » a été déposé et voté* afin d’étendre le délai réservé à cette concertation. Il allonge de six mois le délai pour réunir et faire aboutir la proposition de la conférence des SCoT, soit au 22 octobre 2022, et porte à 30 mois le délai laissé aux régions pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation dans leur document de planification, soit au 22 février 2024. Les SCoT devront intégrer ces objectifs dans un délai de cinq ans, et les PLU ainsi que les cartes communales dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la loi. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un passage en force.

Le Gouvernement a été attentif aux demandes des élus locaux de laisser le temps de la concertation locale. Pour que cela délai soit utile, et que les territoires puissent engager ce travail indispensable, il convient de fixer sans attendre davantage les règles opérationnelles de déclinaison et de territorialisation de l’objectif telles qu’elles ont été cadrées dans la loi.

L’objectif ZAN ne signifie en aucun cas l’arrêt des projets d’aménagement ou de construction mais permet au contraire de faire émerger un nouveau modèle, plus écologique et plus protecteur, et plus souverain, en particulier pour notre agriculture.

L’Etat accompagne cette réforme d’importants moyens financiers et opérationnels :

  • Par le fonds friches dont le budget s’élève à 750 millions d’euros et qui sera pérennisé
  • Par le Fonds artisanal et commercial à hauteur de 60 millions d’euros
  • Par les contrats de relance de la construction durable, pour un budget de 317 millions d’euros
  • Par les programmes de l’Agence nationale de cohésion des territoires (action cœur de ville, petites villes de demain)
  • Par les projets partenariaux d’aménagement (PPA) et les opérations de revitalisation des territoires (ORT).

Enfin, l’Etat met à disposition l’observatoire de l’artificialisation qui indique territoire par territoire la consommation des espaces naturels et agricoles des 10 dernières années.

Quant à la critique qui porte sur le respect de la loi et de la volonté du Législateur, il convient d’être précis. La loi climat et résilience dispose que chaque SRADDET fixe une trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols, et que pour une première période de 10 ans, cette réduction est une division par 2 du rythme d’artificialisation. La loi demande aux SRADDET de territorialiser cet objectif.

Les débats parlementaires et la concertation ont pointé la nécessité de préciser et d’expliciter les modalités de territorialisation. Cette demande visait notamment à s’assurer que les territoires qui ont peu artificialisés dans les années passées ne soient pas pénalisés par rapport à des territoires qui ont beaucoup artificialisé.

Lors des débats et de la concertation, il a également été demandé que l’impact des infrastructures d’envergure nationale ne soit pas imputé seulement aux territoires où elles s’implantent mais soit mutualisé. Ce sont ces éléments de méthode de territorialisation que précise le décret.

Il convient de préciser qu’en l’état actuel du droit, tous les objectifs territorialisés sont traduits dans les règles générales des SRADDET.

C’est le cas pour les mesures qui visent le maintien et la préservation des continuités écologiques, les trames vertes et bleues ; c’est également le cas des mesures qui visent la cohérence des transports et de la logistique. Ainsi, l’article L4251-1 du code général des collectivités territoriales prévoit bien que des règles générales sont énoncées par la région pour contribuer à atteindre les objectifs et ces règles peuvent varier entre les différentes parties du territoire régional.

C’est en ce sens que le décret vise les règles du SRADDETs, non pas pour être plus contraignant que l’article de la loi mais simplement pour le rendre pleinement opérationnel, conformément au droit existant.

Source : 36000 communes- Mai 2022

*Article 114 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale