Le projet de loi de finances a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 15 décembre dernier, après un parcours parlementaire commencé fin septembre. Le Conseil constitutionnel rendra sa décision dans les tout prochains jours, pour une publication du texte au Journal officiel avant le 31 décembre 2021.

Quelles sont les principales dispositions relatives à la transition écologique dans ce budget ?

  • Paiements pour services environnementaux – Article 12

L’article 12 prévoit que les revenus provenant d’actions réalisées par les exploitants agricoles sur le périmètre de leur exploitation et qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes dont la société tire des avantages, appelés les « paiements pour services environnementaux » ou PSE (implantation et entretien d’une haie, activités de captation de carbone par exemple), soient considérés comme des bénéfices de l’exploitation agricole pour l’application de l’impôt sur le revenu (ce peut être le cas, par exemple, de la vente de bois taillé après entretien d’une haie). Il s’agit de faire bénéficier les exploitants agricoles d’une possibilité de rémunération complémentaire.

  • Navigation – Article 25

L’article 25 prévoit l’aménagement du dispositif de déduction exceptionnelle en faveur des équipements permettant aux navires et bateaux de transport de passagers ou de marchandises d’utiliser des énergies permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou la pollution atmosphérique.

  • Aéroports – Article 27

L’article 27 introduit un tarif réduit de CSPE pour l’électricité directement fournie aux aéronefs lors de leur stationnement dans les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique, de 0,5 €/MWh. Il s’agit d’encourager les exploitants d’aéronefs à s’approvisionner en électricité au sol, au lieu de produire de l’électricité à partir des moteurs auxiliaires des aéronefs, qui fonctionnent au kérosène.

  • Biocarburants – Article 28

L’article 28 prévoit une coordination législative au sein du code des douanes pour que la disposition votée par le Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2021 visant à ne pas considérer les produits à base d’huile de soja comme des biocarburants devienne effective. Ceux-ci doivent ainsi être exclus du dispositif incitatif prévu par la Tirib (taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants).

  • Bouclier tarifaire et fiscal pour l’électricité et le gaz naturel -Article 29

Pour contrer la hausse des prix de l’énergie qui touche la France depuis plusieurs mois, l’article 29 prévoit pour l’électricité, une minoration exceptionnelle de la CSPE ; et pour le gaz naturel, une faculté du gouvernement de minorer le tarif de TICGN.

Plus loin, l’article 181 définit les modalités de rattrapage par les consommateurs résidentiels et de compensation par les charges de service public de l’énergie des pertes de recettes subies par les fournisseurs de gaz naturel durant la période de gel des tarifs réglementés de vente. Pour rappel, le décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 a bloqué les tarifs réglementés de vente de gaz naturel à leur tarif en vigueur en octobre 2021 pour une durée de huit mois allant du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022.

  • Suppression de dépenses fiscales inefficientes

L’article 10 supprime une série de dépenses fiscales considérées comme inefficientes, dont la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel (article 199 octovicies du code général des impôts) et l’exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les départements d’outre-mer (article 1655 bis du code général des impôts).

  • Suppression de deux taxes sur le transport ferroviaire – Article 36

Deux taxes qui frappaient jusque-là le transport ferroviaire sont supprimées. Il s’agit de la contribution de solidarité territoriale (CST), à compter du 1er janvier 2022, et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, à compter du 1er janvier 2023.

  • Taxe sur les nuisances sonores aériennes – article 48

Cet article fait évoluer, à compter du 1er avril 2022, la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), qui finance l’aide à l’insonorisation des riverains des aérodromes. L’objectif est de faire payer davantage les avions les moins vertueux. L’article modifie, en premier lieu, les valeurs des coefficients de modulation (heure de décollage, caractéristiques acoustiques de l’appareil) appliqués au logarithme décimal de la masse maximale au décollage des aéronefs. Il augmente ensuite de 40 à 75 euros le montant maximal de la taxe pour les opérations effectuées sur les aérodromes de Nantes-Atlantique, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget, Paris-Orly.

  • Budget de l’État – article 57 

L’article 57 prévoit 21 577 007 728 euros en autorisations d’engagement et 21 248 916 288 euros en crédits de paiement pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

L’article 59 prévoit pour le compte d’affectation spécial dédié aux opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées un budget de 6,5 millions d’euros.

L’article 60 prévoit une autorisation de découvert de 6,2 millions d’euros s’agissant du renouvellement des concessions hydroélectriques.

  • Emplois – Articles 61 et 62

L’article 61 précise le plafond des autorisations d’emplois de l’État pour 2022. Celui du ministère de la Transition écologique est de 35 669 équivalents temps plein travaillé. Il était de 36 212 en 2021, 37 355 en 2020, 39 373 en 2019, 40 328 en 2018, soit une baisse de 11,6 % sur le quinquennat.

L’article 62 précise le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État. Celui de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est de 19 309 EPTP. Il était de 19 266 en 2021, 19 312 en 2020, 19 578 en 2019 et 19 791 en 2018. Soit une baisse de 3,8 % sur le quinquennat.

  • Prolongation du dispositif Denormandie – Article 75

Le dispositif Denormandie, qui permet d’attribuer une réduction d’impôt sur le revenu aux propriétaires qui achètent un logement ancien à rénover (notamment énergétiquement) pour le mettre ensuite en location, est prolongé jusqu’au 31 décembre 2023.

  • Agriculture biologique – Article 84

L’article 84 proroge jusqu’en 2025 le crédit d’impôt agriculture biologique. En outre il augmente son montant (de 3500 à 4500 euros) au 1er janvier 2023. Sachant que si l’entreprise bénéficie déjà d’une aide à la conversion à l’agriculture biologique ou d’une aide au maintien de l’agriculture biologique, la somme de ces aides et du crédit d’impôt ne pourra excéder 5 000 euros.

  • Eco-PTZ -Article 86

L’article 86 proroge jusqu’à fin 2023 l’éco-PTZ, un dispositif d’avances remboursables sans intérêt destiné au financement de travaux de rénovation énergétique des logements achevés depuis plus de deux ans et utilisés en tant que résidence principale.

En outre, l’article proroge l’expérimentation, dans les régions Île‑de-France et Hauts-de-France, de l’octroi d’éco-PTZ par des sociétés de tiers financement agréées, jusqu’à la même date ; il porte le plafond de l’avance à 50 000 euros (au lieu de 30 000 euros) pour les travaux permettant d’atteindre une performance énergétique globale minimale au titre d’un logement ; et il simplifie la constitution des dossiers d’éco-PTZ par les bénéficiaires, et d’instruction par les établissements de crédit dans les cas de cumul de l’éco-PTZ avec le dispositif MaPrimeRénov.

 

  • Énergies renouvelables – Article 95

L’article 95 vise à renforcer les incitations à l’utilisation de biocarburants et d’hydrogène dans les transports à compter du 1er janvier 2023.

Plus précisément, il modifie l’article 266 quinquies du code des douanes afin de :

    • relever les cibles d’incorporation de biocarburants dans les essences et gazoles – le pourcentage cible pour les essences passe de 9,2 % en 2022 à 9,5 % en 2023, et celui pour les gazoles passe de 8,4 % en 2022 à 8,6 % en 2023 ;
    • élargir les utilisations de l’hydrogène d’origine renouvelable dont les quantités d’énergie sont prises en compte dans le calcul de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports ;
    • renforcer l’incitation à utiliser l’énergie tirée des graisses et huiles usagées et des matières premières avancées.

Est également prévu un décret déterminant les conditions dans lesquelles les cultures intermédiaires doivent être regardées comme n’entrant pas dans le champ défini par la directive énergies renouvelables. « Il s’agit d’encadrer de manière plus précise le recours aux cultures intermédiaires pour la production de biocarburants, en évitant notamment l’assimilation de cultures alimentaires à des cultures intermédiaires », précise le rapporteur général Laurent Saint-Martin dans son rapport en nouvelle lecture.

  • Zones non interconnectées – Article 96

L’article 96 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre la prise en charge partielle par l’État des investissements dans les zones non interconnectées permettant la conversion des réseaux de GPL à l’électricité ou aux énergies renouvelables. En 2022, cette prise en charge partielle par l’État ne pourra pas excéder 22 millions d’euros.

  • Contrats de performance énergétique – Article 97

L’article 97 a vocation à autoriser, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements à déroger aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique pour les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance pour la rénovation d’un ou plusieurs de leurs bâtiments.

Pour rappel, les articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique exposent plusieurs règles relatives à l’exécution financière des marchés publiques, notamment :

    • que les clauses du marché relatives au taux et aux conditions de versement de l’avance ne peuvent être modifiées en cours d’exécution ;
    • que les marchés donnent lieu au versement d’acomptes dès lors que les prestations ont commencé à être exécutées, et que le montant d’un acompte ne peut excéder la valeur des prestations auxquelles il se rapporte ;
    • que tout paiement différé est interdit dans les marchés passés par l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements ;
    • qu’en cas de marché global ayant pour objet la réalisation et l’exploitation ou la maintenance d’un ouvrage, la rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance ne peut contribuer au paiement de la construction ;
    • que les marchés peuvent prévoir, à la charge du titulaire, une retenue de garantie à première demande ou une caution personnelle et solidaire ;
    • que le titulaire d’un marché peut céder la créance qu’il détient sur l’acheteur à un établissement de crédit ou à un autre cessionnaire et qu’il peut nantir la créance qu’il détient sur l’acheteur auprès d’un établissement de crédit ou d’un autre créancier.
  • Taxes à faible rendement – Article 98

L’article 98 supprime plusieurs taxes à faible rendement dont l’expérimentation de la tarification des déplacements urbains (article 1609 quater A du code général des impôts) et la redevance due par les titulaires de titres d’exploitation de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux au large de Saint-Pierre-et-Miquelon (article L. 652-2 du code minier).

  • Éolien en mer -Article 101

L’article 101 étend la taxe sur les éoliennes maritimes aux éoliennes situées dans la zone économique exclusive. Il prévoit en outre une modification du mécanisme de revalorisation annuelle du tarif et que l’État prélève des frais de gestion de 1,5 % sur le montant de la taxe.

  • Nucléaire – Articles 123 et suivants

L’article 123 prolonge jusqu’à 2025 la taxe d’accompagnement perçue par les deux groupements d’intérêt public liés à Cigéo tandis que l’article 125 prolonge sur la même durée la contribution affectée au fonds conception de l’Andra.

L’article 156 vise à modifier la garantie de l’État octroyée à la Caisse centrale réassurance pour couvrir le risque nucléaire. Il crée un régime de réassurance publique pour les assureurs proposant les garanties imposées par le droit international. Il s’agit de permettre la traduction des engagements internationaux de la France en soutenant le marché assurantiel privé par une garantie publique.

La garantie de l’État s’exercera dans la limite de 700 millions d’euros par installation nucléaire et par accident nucléaire, dans la limite de 80 millions d’euros par accident pour un transport national et, enfin, dans la limite de 700 millions d’euros pour un accident survenant lors d’un transport international – à hauteur des plafonds internationaux désormais applicables.

La garantie sera octroyée par le ministre chargé de l’économie. Elle sera rémunérée et ne pourra couvrir, pour chaque opération de réassurance, plus de 60 % du risque total couvert par l’assurance.

L’entrée en vigueur de ce dispositif est prévue au 1er janvier 2022.

  • Stocamine

L’article 165 octroie la garantie de l’État à la société des Mines de potasse d’Alsace.

Office français de la biodiversité – Article 180

L’article 180 prévoit qu’à compter de l’année 2022, le plafond de la contribution annuelle versée par l’OFB aux parcs nationaux est porté à 69,7 millions d’euros (au lieu de 68,5 millions d’euros). Cette hausse permettra notamment de régulariser l’augmentation en gestion de 20 ETP affectés aux parcs nationaux au titre de l’année 2021, qui n’a pas été accompagnée d’une réévaluation de la contribution annuelle versée par l’OFB en 2021.

  • EU ETS et fuites de carbone

L’article 182 modifie le dispositif d’aide d’État aux entreprises françaises soumises au marché carbone européen EU ETS et exposées à des fuites de carbone. Il couvre aujourd’hui 75 % des coûts des quotas mais les entreprises doivent pour cela, à partir du 1er janvier 2022, soit réaliser un audit énergétique et mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport d’audit, soit réduire l’empreinte carbone de leur consommation d’électricité de manière à couvrir au moins 30 % de leur consommation d’électricité générée par des sources décarbonées. Elles doivent en outre réinvestir au moins 50 % du montant de l’aide dans des projets qui entraînent une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’installation de l’activité considérée.

La loi de finances prévoit de modifier le système de contrepartie : la possibilité d’investir « au moins 50 %, du montant de l’aide dans des projets qui entraînent une réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre » est supprimée ; et les options de « mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport d’audit ou de réduire l’empreinte carbone de leur consommation d’électricité » deviennent cumulatives.

Le texte introduit, par ailleurs, le versement d’une avance, dès l’année n, de 24,45 % du montant de la compensation devant être versée en n+1. Cette avance est déduite du montant de l’aide devant être versée l’année suivante. Un mécanisme de remboursement est prévu en cas de trop-perçu. Cela doit permettre d’assurer un meilleur soutien à la trésorerie des entreprises.

  • France 2030

L’article 187 rattache le plan d’investissement France 2030 aux investissements d’avenir. Il prévoit notamment :

    • 100 millions d’euros de crédits de paiement (un milliard en autorisation d’engagement) en 2022 pour « faire émerger en France d’ici 2030 des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets » ;
    • 340 millions d’euros de crédits de paiement (2,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement) pour « devenir le leader de l’hydrogène vert en 2030 » ;
    • 50 millions d’euros en crédits de paiement (5 milliards en autorisation d’engagement) pour « décarboner notre industrie » ;
    • 150 millions d’euros en crédits de paiement (1,2 milliard d’euros en autorisation d’engagement) pour « produire en France le premier avion bas-carbone » ;
    • 40 millions d’euros en crédits de paiement (300 millions d’euros en autorisations d’engagement) pour « investir le champ des fonds marins » ;
    • 125 millions d’euros (2 milliards d’euros en autorisations d’engagement) pour « sécuriser l’accès aux matières premières ».
  • Communes et biodiversité

L’article 256 de la loi de finances pour 2019 avait créé une dotation « Natura 2000 » dont l’objet est d’apporter une aide financière aux communes assumant un certain nombre de charges liées à la protection de la biodiversité sur leur territoire lorsque celui-ci est couvert partiellement ou totalement par une zone Natura 2000.

L’article 113 vise à réformer les modalités d’attribution de cette dotation, afin de « poursuivre le ‘verdissement’ des concours financiers de l’État » selon le rapporteur général Laurent Saint-Martin. Il s’accompagne d’une forte hausse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la dotation qui sont ainsi portés de 10 millions d’euros en 2021 à 24,3 millions d’euros.

Parmi les modifications :

    • l’intitulé devient « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales » ;
    • une quatrième fraction est instituée (outre les fractions « Natura 2000 », « parcs nationaux » et « parcs naturels marins »), destinée aux communes dont une part importante du territoire est située au sein d’un parc naturel régional;
    • le critère de « potentiel financier » est substitué à celui de « potentiel fiscal » afin de « mieux refléter la richesse mobilisable des communes » ;
    • la part de la dotation réservée à chacune des quatre fractions de la dotation est modifiée (52,5 % pour Natura 2000, 25 % pour les parcs naturels régionaux, 20 % pour les parcs nationaux et 2,5 % pour les parcs naturels marins, au lieu de 55 %, 0 %, 40 %, 5 % selon la précédente répartition) ;
    • un élargissement du nombre de bénéficiaires de la fraction « Natura 2000 » (en abaissant à 50 % le taux de couverture du territoire par la zone protégée au lieu de 75 % actuellement) ;
    • une augmentation progressive sur trois ans du montant attribué aux communes qui adhèrent à la charte d’un parc national ;
    • la création de critères d’éligibilité à la nouvelle fraction « parcs naturels régionaux ».
    • aucune attribution individuelle au titre de chaque fraction ne peut être inférieure à 1 000 euros (3 000 euros pour la fraction « parcs nationaux ».

Près de 450 communes supplémentaires vont bénéficier de cet accompagnement financier.