Le 21 septembre dernier, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, dont je suis membre, m’a désignée co-rapporteure d’une mission d’information sur la mise en application de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience ». Cette mission organisée en application de l’article 145-7 du règlement de l’Assemblée nationale s’inscrit dans le cadre de la mission de contrôle de l’action du gouvernement exercée par l’Assemblée nationale. Ce rapport à été présenté et soumis au vote des députés de la commission du développement durable le 11 janvier2023. Il a été adopté à l’unanimité.
Qu’est-ce qu’une mission d’information ? (Source : Assemblée nationale)
Les missions d’information sont créées par les commissions permanentes afin de soit préparer l’examen d’un texte de loi, ou contrôler l’application ou l’évaluation d’une loi récemment adoptée, soit participer à l’information des membres de la commission sur un sujet précis. Ces missions sont confiées à un ou plusieurs de leurs membres (dont un doit appartenir à un groupe d’opposition). Après un travail de fond (auditions, déplacements, analyses de différents documents…), la mission donne lieu à la présentation d’un rapport d’information devant les membres de la commission concernée.
Les principales conclusions de notre rapport
Le rapport (disponible ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-dvp/l16b0681_rapport-information) que j’ai co-rédigé avait pour objet de s’assurer, un an après la promulgation de loi, que les mesures réglementaires d’application de la loi que devait prendre le Gouvernement avaient bien été prises. Ces mesures réglementaires d’application sont nécessaires pour que les mesures votées dans la loi aient un plein effet.
Avec mon co-rapporteur, Sylvain Carrière, nous avons fait le choix de concentrer nos travaux sur les dispositions des chapitres 1 (« Informer, former et sensibiliser ») et 3 (« Accélérer le développement de la vente en vrac et de la consigne du verre) du titre II de la loi (consacré à la consommation), ainsi que sur le titre IV de la loi, consacré aux transports terrestres et aériens. Les parties de la loi sélectionnées pour notre mission de contrôle comportent en effet une trentaine de mesures qui, pour être pleinement applicables, nécessitaient la publication de mesures réglementaires d’application. C’était notamment le cas pour l’affichage environnemental pour les biens et les services, l’objectif de 20 % de vente en vrac dans les grandes et moyennes surfaces, l’expérimentation du prêt à taux zéro mobilité dans les zones à faibles émissions ou encore l’interdiction des vols intérieurs en cas d’alternative en train d’une durée de moins de 2h30.
Pour mener à bien nos travaux, nous avons mené une série d’auditions auprès de représentants de l’administration, des collectivités territoriales et des associations environnementales et de consommateurs. À l’issue de nos travaux, nous avons estimé que le taux d’application de la loi s’élève à ce jour à 62,5%. Cela signifie que la majorité des mesures d’application attendues a bien été prise par le Gouvernement, mais que certains décrets sont toujours en cours d’élaboration plus d’un an après la promulgation de la loi.
Les principales mesures toujours en attente de mesures réglementaires d’application sont les suivantes :
- En raison de la nécessaire consultation des acteurs concernés qui se poursuit, les décrets d’application relatifs à l’affichage environnemental ne sont pas encore parus.
- La consultation par la DGCCRF se poursuit également pour l’application de l’objectif de 20% des surfaces de vente consacrés à la vente en vrac d’ici 2030 dans les grandes et moyennes surfaces. Le décret est attendu 2023 et il devra préciser l’application à certains secteurs d’activité plus réticents, comme les cavistes et les entreprises de cosmétiques.
- L’expérimentation du prêt à taux zéro mobilité dans certaines ZFE ne peut pas encore être opérant en raison de l’absence de mesure réglementaire d’application. Cette expérimentation prévue à l’article 107 de la loi devait débuter au 1er janvier 2023, mais en raison de l’absence de parution du décret devant fixer les modalités de calcul de la réduction d’impôt pour les distributeurs du PTZ, elle ne pourra vraisemblablement que débuter au second semestre de l’année. Les auditions menées avec les acteurs concernés font par ailleurs ressortir la nécessité de faire garantir le PTZ par l’État et de d’élargir son éligibilité aux sept premiers déciles de revenus.
- L’expérimentation de voies de circulation réservées à certains véhicules pour desservir les ZFE-m, prévue à l’article 124 ne pourra pas démarrer avant le second semestre de l’année en raison de la poursuite des travaux préparatoires relatifs aux mesures réglementaires d’application. Par ailleurs, en raison du manque d’homogénéisation du dispositif des ZFE sur le territoire national, nous recommandons l’établissement d’un document de suivi et de pilotage pour chaque métropole de manière à mieux encadrer le calendrier de mise en œuvre de ce dispositif.
- Le droit d’accès des autorités organisatrices de la mobilité aux données de déplacement sur leur territoire, prévu à l’article 109.
- L’installation de bornes de recharges dans les immeubles collectifs.
Lors de la présentation de nos travaux aux membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire le 11 janvier dernier, j’ai par ailleurs souhaité noter les avancées notables permises par la publication des mesures réglementaires d’application, notamment en matière de transports :
- L’interdiction des vols intérieurs en cas d’alternative en train d’une durée de moins de 2h30, prévue à l’article 145, qui devrait entrer en vigueur très prochainement. Après une suspension de l’adoption du premier projet de décret en décembre 2021 par la Commission européenne, un accord a été trouvé pour un deuxième projet en décembre 2022. Il permet d’affiner la mesure et conduit in fine à la suppression de 3 liaisons aérienne (Paris-Orly et Bordeaux, Nantes et Lyon). La liaison entre Rennes et Paris n’a pas été supprimée en raison de la fréquence trop faibles des trajets et de leur arrivée trop tardive dans la matinée à l’aéroport Charles-de-Gaulle, et de leur départ trop tôt le soir.
- L’impossibilité de déclarer d’utilité publique un projet de travaux et d’ouvrage visant à créer ou agrandir un aéroport s’il en résulte une hausse des émissions de CO2. Le décret d’application de cette mesure prévue à l’article 146 de la loi est paru et permet de préciser les cas concernés par celle-ci.
- L’obligation pour les compagnies aériennes de compenser les émissions de gaz à effet de serre générées lors de vols intérieurs. Cette mesure prévue à l’article 147 de la loi a bien bénéficié d’une mesure réglementaire d’application, qui précise que les exploitants devaient ainsi compenser 50 % de leurs émissions domestiques en 2022, puis 70 % en 2023 et 100 % de leurs émissions dès 2024. Le décret d’application précise par ailleurs que doivent être privilégiés les projets d’absorption du carbone favorisant notamment le renouvellement forestier, l’agroforesterie ou encore l’agrosylvopastoralisme. Un arrêté fixe le pourcentage minimum d’émissions réduites ou séquestrées par des projets situés dans l’Union européenne à 50 % pour les émissions de 2024.
➜📹 Pour retrouver mon intervention en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’adresse suivante : https://youtu.be/WiOmPzIIQGs
➜Pour consulter le rapport de la mission d’information, rendez-vous ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-dvp/l16b0681_rapport-information
Genèse de la loi Climat et Résilience et ses principales mesures
En réponse à la crise des Gilets jaunes, le président de la République a annoncé au printemps 2019 la création d’une Convention citoyenne pour le climat, qui avait pour mission de formuler des propositions pour accélérer la transition écologique de notre pays. 150 citoyens tirés au sort se sont mis au travail entre octobre 2019 et juin 2020 et ont émis 149 propositions en ce sens. Beaucoup de ces mesures relevaient du domaine de loi et devaient donc faire l’objet d’un projet de loi. C’est l’objet du projet de loi Climat et Résilience, qui a été présenté en février 2021 en Conseil des ministres et dont l’Assemblée nationale s’est saisie. Compte tenu de la grande transversalité des mesures débattues, une commission spéciale a été créée à l’Assemblée pour réunir des députés de différentes commissions. J’ai eu l’honneur de présider cette commission spéciale et de m’assurer de la bonne tenue des débats, qui ont été riches et nourris.
Après avoir été examiné et enrichi à l’Assemblée nationale et au Sénat, le projet de loi a finalement été adopté le 20 juillet 2021 et promulgué le 24 août 2021 par le président de la République.
Cette loi est porteuse de nombreuses avancées au regard des enjeux liés à la transition écologique de notre pays. Composée de 305 articles, la loi Climat et Résilience articule 5 thématiques différentes : consommer ; produire et travailler ; se déplacer ; se loger ; se nourrir. Il s’agit de la loi la plus importante en matière d’écologie du quinquennat et marque une étape importante de la lutte de notre pays en matière de préservation et de protection de notre environnement. En voici les mesures les plus emblématiques :
- Consommer : la création d’une étiquette environnementale (« éco-score ») pour les produits et services, l’interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles, l’expérimentation du « Oui pub » dans des collectivités territoriales volontaires (seules les personnes ayant apposé cette étiquette sur leur boîte aux lettres recevront des publicités papier) et l’obligation pour les grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés de consacrer 20% de leur surface de vente au vrac d’ici 2030 ;
- Produire et travailler : la mise en cohérence de la stratégie nationale de la recherche avec la Stratégie nationale bas-carbone, la prise en compte de considérations environnementales dans les marchés publics, la modification de plusieurs dispositions du code minier et la déclinaison de la programmation pluriannuelle de l’énergie, en objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables ;
- Se déplacer : la création d’ici 2024 de zones à faibles émissions (ZFE), dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants (les voitures les plus anciennes y seront interdites), l’extension de la prime à la conversion au vélo à assistance électrique, l’interdiction des vols intérieurs lorsqu’une alternative en train de moins de deux heures trente existe, la fin en 2030 de la vente des voitures neuves les plus polluantes (qui émettent plus de 95 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre) et l’intégration d’un enseignement à l’écoconduite dans la formation des chauffeurs routiers ;
- Se loger : l’éradication progressive des « passoires thermiques », l’instauration d’aides financières pour les travaux de rénovation, la division par deux du rythme de la bétonisation d’ici 2030, l’interdiction de construire de nouveaux centres commerciaux entraînant une artificialisation des sols et la couverture de 30% du territoire par des aires protégées.
- Se nourrir : un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires dès la rentrée 2021, ainsi que la réduction d’ici 2030 de 13% des émissions d’ammoniac par rapport à 2005 et de 15% de celles de protoxyde d’azote par rapport à 2015.
(Source : vie-publique.fr)
➜ Pour en savoir plus sur les origines, les mesures de la loi et son calendrier d’application, rendez-vous sur le site du ministère de la Transition écologique : https://www.ecologie.gouv.fr/loi-climat-resilience.