Inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2020, une proposition de loi vise à renforcer l’encadrement du démarchage téléphonique abusif et la lutte contre les appels frauduleux aux numéros surtaxés.
Éléments de contexte
Le démarchage téléphonique et la prospection commerciale par voie électronique sont devenus une pratique courante qui touche chaque jour plusieurs millions de Français. Face au mécontentement d’un grand nombre de consommateurs, un ensemble de règles législatives a progressivement été adopté en la matière.
Un cadre législatif existant
La loi « Informatique et libertés » de 1978 a institué un droit d’opposition à toute personne dont les données personnelles font l’objet d’un traitement ; il prévoit que « toute personne […] a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur ».
Le code de la consommation mentionne également que « le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut gratuitement s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique ».
Le dispositif d’opposition « Bloctel »
La loi de 2014 relative à la consommation est venue renforcer l’encadrement de cette pratique commerciale, avec notamment l’introduction d’un régime d’opposition au démarchage téléphonique.
Le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut gratuitement s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique. La loi précise qu’il est interdit à tout professionnel de démarcher un consommateur inscrit sur cette liste, sous peine d’une amende de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale.
Mis en place en juin 2016, Bloctel est le nom de cette liste d’opposition au démarchage téléphonique visant à réduire les appels non sollicités reçus par les consommateurs. Environ 3,5M de personnes et 700 entreprises ont adhéré à ce nouveau dispositif.
Bloctel fait l’objet de nombreuses critiques
Près de deux ans après le lancement de Bloctel, les appels n’apparaissent pas comme ayant diminué.
Depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions le 1er juin 2016, malgré l’inscription de millions de consommateurs sur le registre Bloctel, malgré les multiples contrôles et les poursuites engagées par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), des sociétés et des associations continuent de démarcher des particuliers alors même qu’ils sont inscrits sur ces listes. J’avais, à ce sujet, posé une question écrite au Gouvernement en octobre 2019, question restée sans réponse à ce jour.
Dans son enquête de janvier 2017, UFC-Que Choisir montrait que si le dispositif semblait bien connu des personnes interrogées (81% connaissent le dispositif), le bilan de son efficacité est mitigé : 60% des répondants de l’enquête déclaraient avoir constaté une baisse du nombre d’appels depuis leur inscription et 40% ne notaient aucune évolution.
Un autre bilan plus général sur la prospection commerciale par téléphone, réalisé par 60 millions de consommateurs en juin 2017, semblait montrer une hausse continue des appels : 39% des personnes interrogées déclaraient ainsi recevoir au moins un appel de démarchage par jour sur leur ligne fixe, contre 32% lors de la même enquête en 2015.
Une proposition de loi examinée en 2018 à l’Assemblée nationale en 1ere lecture
La question du renforcement de la lutte contre le démarchage téléphonique a déjà été débattue en juin 2018. Plusieurs mesures avaient été adoptées :
- L’information systématique du consommateur, lors d’un appel de démarchage téléphonique, de l’existence de Bloctel et de la possibilité de s’inscrire sur cette liste d’opposition ;
- L’obligation pour le démarcheur, de développer les sigles qu’il emploie et de présenter l’objet social de l’entreprise pour laquelle est effectuée l’appel ;
- La vérification mensuelle obligatoire pour tout démarcheur professionnel de la conformité de ses fichiers avec les listes d’opposition ;
- La multiplication, par cinq, des sanctions à l’encontre des professionnels ne respectant pas la loi et le dispositif Bloctel.
Bilan de l’examen de cette proposition de loi en 1ere lecture
Les évolutions apportées par l’Assemblée
- Le renforcement des sanctions relatives au non-respect de l’interdiction d’utilisation d’un numéro masqué par les professionnels du démarchage téléphonique en les portant à 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale
- Le respect d’une charte de bonnes pratiques élaborée par l’organisme Opposetel, pour l’ensemble des professionnels du démarchage téléphonique
- La publication des sanctions prononcées par la DGCCRF (« name and shame ») à l’encontre des contrevenants au droit d’opposition au démarchage et en précisant les cas dans lesquels cette publication peut ne pas être mise en œuvre ou reporté
Les évolutions apportées par le Sénat
- La précision par décret des jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale par voie téléphonique est autorisée
- Le renforcement du contrôle de la société délégation de la liste d’opposition en prévoyant que le délégataire rend accessible en open data, les données essentielles de son activité, qui sont également transmises au Conseil national de la consommation
Calendrier législatif :
Première lecture à l’Assemblée nationale :
Examen en commission : mercredi 28 novembre 2018
Examen en séance publique : jeudi 6 décembre 2018Première lecture au Sénat
Examen en commission : mercredi 13 février 2019
Examen en séance publique : jeudi 21 février 2019Seconde lecture à l’Assemblée nationale
Examen en commission : mercredi 22 janvier 2020
Examen en séance publique : jeudi 30 janvier 2020