Article paru le 09 octobre 2018 dans « Référence Environnement »
« Pour Laurence Maillart-Méhaignerie, députée LREM d’Ille-et-Vilaine, rapporteure pour le titre II sur les mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable de la loi dite Égalim, les obligations d’intégrer des produits de qualité et issus de pratiques respectueuses de l’environnement est le point central du texte adopté le 2 octobre. Agriculture biologique, pesticides, bien-être animal, elle livre à Référence environnement son analyse des principales mesures contenues dans la loi.
La loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » a été adoptée le 2 octobre. Interview de Laurence Maillart-Méhaignerie, députée LaREM d’Ille-et-Vilaine, et rapporteure pour le titre II sur les mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité et durable.
Référence environnement : La loi a été adoptée le 2 octobre, mais un groupe de sénateurs a saisi le Conseil constitutionnel. Dans ce cadre, quelle est la fin du parcours législatif ?
Laurence Maillart-Méhaignerie : Nous craignions effectivement que le Sénat porte le texte devant le Conseil constitutionnel. C’est chose faite… Les remarques portent surtout sur la forme : le risque est donc un retard dans l’application de la loi, notamment pour les pratiques commerciales fortement attendues par les agriculteurs. C’est dommage ! Car le point majeur est bien que les mesures sur les prix ou encore sur l’encadrement des promotions soient opérationnelles dans les plus brefs délais, grâce à la validation des ordonnances. Le gouvernement a promis qu’elles seront finalisées d’ici à la fin octobre. Une fois les ordonnances validées, la loi sera promulguée.
Restera à écrire les décrets pour rendre certains articles de la loi effectifs, notamment sur le titre II. Nous ferons tout notre possible pour qu’ils soient rapidement adoptés.
R.E. : Quel est pour vous le point majeur du titre 2 de la loi ?
L.M.-M : Assurément l’article onze sur la montée en gamme de la restauration collective. Celle-ci représente un marché important, estimé à 6 à 8 milliards d’euros par an. Cela peut réellement donner une nouvelle dynamique aux territoires, développer les circuits alimentaires locaux, aider les filières locales à se structurer et capter la valeur, et impulser le changement de pratiques. Cette mesure s’inscrit également dans une politique de justice sociale. Nous allons permettre à tous les enfants d’avoir accès à une alimentation goûteuse, de qualité, qui respecte l’environnement. Nous savons également que l’éducation des plus jeunes a un impact sur les habitudes alimentaires de leurs parents.
La loi va donner aux collectivités tous les outils pour aller dans ce sens. Certaines sont déjà bien avancées mais d’autres en sont très loin. Nous devons mobiliser dans les régions autour de la loi et enclencher la dynamique.
R.E. : Le texte porte de fortes ambitions sur les produits bio. Sont-ils réalistes ?
L.M.-M : La loi inscrit l’objectif d’atteindre 15 % des surfaces en bio, soit un triplement par rapport à aujourd’hui ! Mais cela reste une ambition : le texte ne peut pas obliger les agriculteurs à se convertir. Les exigences pour la restauration collective vont aider à atteindre le but. Mais, pour y arriver, il faudra impérativement actionner d’autres leviers, sinon, cela va être compliqué. Dominique Potier préside actuellement une mission parlementaire sur le foncier, qui peut être fléché en priorité aux porteurs de projets en agriculture biologique. Les conclusions des travaux devraient être publiées fin octobre.
Nous voulons également développer la Haute valeur environnementale. Mais, pour l’heure, trop peu d’exploitations s’en saisissent. Raison pour laquelle nous avons décidé de procéder en deux temps : possibilité d’introduire des produits, dans la restauration collective, issus d’exploitations certifiées de niveau 1 et 2 jusqu’en 2029, puis uniquement en HVE à partir de 2030.
R.E. : La loi entend promouvoir l’indépendance alimentaire de la France à l’international et l’autonomie en protéines. De quelle manière ?
L.M.-M : Concrètement, le texte n’oblige à rien. Il inscrit davantage le discours que le ministère de l’Agriculture va impulser au sein de l’Union européenne. N’oublions pas que la majeure partie des politiques sur l’agriculture et l’alimentation se joue à Bruxelles. La loi acte des ambitions françaises, mais nous souhaitons que les autres pays nous suivent. L’objectif est d’harmoniser les réglementations pour ne pas surtransposer et créer des distorsions de concurrence entre États-membres.
R.E. : Quid du bien-être animal ?
L.M.-M : Le texte interdit la mise en production de tout nouveau bâtiment d’élevage de poules pondeuses élevées en cages. Le marché ne veut plus de leurs œufs, il est en net déclin. Certes, nous n’avons pas inscrit l’interdiction d’extension pour les bâtiments existants, mais cela va être compliqué d’avoir les autorisations dans ce contexte. Nous voulons aussi pousser l’expérimentation sur les abattoirs mobiles : nous avons besoin d’y voir clair sur leur réel intérêt. En cas de maltraitances des animaux lors de la manipulation ou du transport, les sanctions sont également doublées.
R.E. : Certains acteurs ont regretté que l’interdiction du glyphosate ne soit pas inscrite dans la loi.
L.M.-M : L’interdiction reste prévue pour le 1er juillet 2021. Nous travaillons au niveau européen pour que cette date soit généralisée. Par ailleurs, nous avons lancé une mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie de la molécule. Si nous voyons que rien ne bouge dans un an, nous pourrons prendre des dispositions dans la loi. Nous savons que certains segments, comme l’agriculture de conservation, ont davantage de mal à se passer du glyphosate. Nous verrons au cas par cas si des dérogations sont nécessaires. Et puis, n’oublions pas que la loi inscrit une mesure phase en matière de pesticides : la séparation de la vente et du conseil. Nous avons décidé d’appliquer une mesure qui a très bien fonctionné sur les antibiotiques pour réduire leur usage. Il n’y a pas de raison que nous n’observions pas la même tendance. »